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Je m’appelle Sylvia, je suis infirmière libérale en Normandie. J’ai travaillé pendant une quinzaine d’années en milieu hospitalier en tant qu’infirmière en soins palliatifs et dans les services de médecine.
Il y a un peu plus de 3 ans j’ai décidé de m’installer en libéral dans un cabinet à côté de chez moi spécialisé sur les soins techniques à domicile et notamment l’accompagnement en soins palliatifs…puisqu’en tant qu’infirmière libérale on fait aussi tous les autres soins. J’ai eu l’occasion de discuter avec mes collègues et d’un commun accord on a trouvé qu’on avait la même façon de travailler et on a décidé de travailler ensemble.
On le sait, il faut être disponible. Même si le nombre de lits en soins palliatifs est restreint, les soins sont constants et la demande des patients et des accompagnants est très importante pour la prise en charge. C’est ainsi que je me suis rendue compte qu’il me manquait cette dimension. En fait, je n’avais pas le sentiment d’être assez présente pour mes patients. J’ai donc décidé de quitter le milieu hospitalier et de voir si j’arrivais à être plus utile à domicile.
Je suis partie du constat qu’en fait les patients avaient ce besoin d’être entouré. Non seulement pour leurs soins mais aussi pour l’écoute et l’accompagnement des familles qui est essentiel. J’ai été confrontée à plusieurs fins de vie depuis 3 ans. Chacune étant différente, à des âges différents suite à des pathologies différentes. Il a fallu s’adapter à chaque fois aux habitudes du patient à domicile, s’adapter à la famille. Mais aussi être présente et être dans la coordination des soins avec les médecins hospitaliers, le médecin traitant, les prestataires pour pouvoir être efficace et les accompagner au mieux dans ces soins palliatifs.
Depuis mon installation en libéral on travaille beaucoup en équipe avec mon associée. On a la même vision des choses. On travaille également avec des médecins traitants, qui sont très aidants. On a aussi développé des liens avec des médecins spécialisés en soins palliatifs sur les hôpitaux proches de chez nous. Ainsi on peut les contacter en cas de besoin et pour mettre d’autres thérapeutiques en place. On a également besoin de tisser des liens aussi avec les familles pour être efficace. En effet, on accueille non seulement les patients mais aussi les familles.
J'ai rencontré beaucoup de prises en charge différentes. Premièrement il y a des personnes de 80 ans qui étaient en fin de vie et qui souhaitaient mourir à domicile. Deuxièmement des plus jeunes de 25 à 50 ans que l’on accompagne suite à des cancers, des pathologies assez agressives (BPCO). En général ils souhaitent rester à domicile soit parce qu’ils ont encore des enfants et veulent en profiter un maximum, ou soit parce que nous avons des liens forts avec eux. En fait ils préfèrent que ce soit nous qui les accompagnons.
Il faut savoir que la prise en charge des soins palliatifs à domicile est spécifique par rapport au milieu hospitalier. Dans le milieu hospitalier on est en équipe, de jour on est à plusieurs professionnels médicaux et paramédicaux.
A domicile on est un peu seul dans la mesure où on est l’infirmier à côté du patient. Le médecin n’est pas toujours présent. C’est à nous d’évaluer rapidement l’état de santé du patient, de mettre des choses en place en contactant le médecin traitant. Donc on s’attache plus facilement au patient et à sa famille. Mais il faut quand même garder cette notion de distance thérapeutique. Ce n’est pas toujours facile. Quand on rentre à la maison on y pense encore beaucoup. Néanmoins il faut essayer de conserver un équilibre entre cette distance et la prise en charge du patient pour qu’elle soit la plus efficace possible. Pour cela il faut aussi comprendre le patient, ce qui est parfois difficile.
Pour ma part je suis très proche de mes patients mais je l’étais déjà en milieu hospitalier.
J’essaye de mettre en place à la maison ce que j’avais déjà mis en place en milieu hospitalier. C'est-à-dire un travail sur la respiration pour calmer les angoisses du patient. J’avais des petites notions de sophrologie que j’avais acquises grâce à une amie infirmière qui était sophrologue aussi. Cela permet au patient de se recentrer sur lui-même. Ce sont des petits exercices très simples qu’ils peuvent mettre en place eux-mêmes. Je travaille aussi sur la notion de discussion et d’écrit.
Pour l’écrit il y a plusieurs techniques : il y a des patients qui écrivent leurs ressentis. J’ai mis aussi en place il y a quelques années un petit pot à bonheur. J'avais trouvé ce concept en parcourant un colloque au Canada sur les soins palliatifs. Le principe est simple. Je demande à mes patients et à leur famille de décorer un pot, une boîte, un contenant. Cela fait un peu d’arts plastiques et ils aiment bien partager ça avec leur famille. A l’intérieur ils mettent chaque jour un mot positif : un dessin des enfants, une phrase, une chanson. Bref, quelque chose qui va leur rappeler un élément positif : un sourire, une musique écoutée, un appel téléphonique. Quelque chose qui ne se rapprochera pas du tout de la maladie et qui sera uniquement là pour leur apporter un bien-être. Et quand ils ne sont pas bien, ils ouvrent leur boîte. Ils enlèvent tous les papiers et ils les relisent. Ça peut paraître anodin mais la plupart de mes patients ont ressenti un vrai plaisir quand ils étaient dans des phases de grosse fatigue ou de mal-être. Ils ont repensé à tous ces moments qu’ils ont partagé et tout ce qui leur apportait un bien-être. Je pense que c’est important. C’est ma contribution et si ça peut leur faire du bien, j’en trouve une réelle satisfaction.
Je sais qu’il y a d’autres choses que l’on peut mettre en place, comme l’aromathérapie, le travail avec les huiles essentielles. Je ne les ai pas encore mises en place à domicile mais j’utilise aussi le toucher. Malgré la covid et tout ce que l’on peut mettre en place, j’estime que le toucher reste extrêmement important. Il soulage les douleurs, il soulage divers maux que l’on peut avoir et notamment les angoisses. J’aime bien masser. Cela peut être les mains et les bras, les jambes. Je mets aussi à contribution les familles des patients. Par exemple, une maman que j’accompagne en ce moment. Ses filles prennent le temps de lui masser les mains, les bras, les jambes. C'est un réel partage entre elles et c’est un bonheur pour ma patiente. Ce sont des petites techniques qui sont utiles à la maison et qui permettent une vraie prise en charge. On met la famille dans sa globalité autour du patient pour lui apporter du bien-être.
On rencontre aussi des difficultés par rapport à cette distance thérapeutique. C’est ce que j’ai le plus de mal à gérer. Il faut être capable de créer des liens mais de ne pas trop rapporter tout ça à la maison car on a notre vie. Quand on rentre chez nous, même si on a toujours dans la tête ce patient que l’on accompagne, il faut faire preuve de discernement pour profiter de notre famille.
La disponibilité et l’écoute ne sont pas des choses qui me posent problème en termes de temps car nous organisons toujours nos tournées pour faire en sorte d’avoir ce temps chez les patients. On sait qu’ils en ont besoin. Bien sûr des fois je n’ai pas le temps de passer un quart d’heure ou une demie heure avec mes patients. Mais je leur explique pourquoi et quand je repasse dans la journée pour la continuité des soins j’essaye de leur accorder plus de temps.
J’essaye aussi d’anticiper les besoins pour gagner du temps. On regarde au niveau du matériel, des médicaments, on essaye de ne pas perdre de temps et s’organiser pour garder cette écoute.
On adapte aussi notre langage car souvent, quand les patients sont à l’hôpital, ils entendent beaucoup le langage médical. D’ailleurs ils ont du mal à comprendre ce qu’il se passe. A domicile on adapte ce langage pour qu’ils comprennent bien l’importance du soin, notamment pourquoi des fois on leur demande certaines choses. De la même manière on leur explique au mieux comment leur maladie peut évoluer et comment nous allons évoluer dans nos pratiques de soins. Cela fait partie aussi de ce côté proche du patient. On est lisible dans ce que l’on dit. Quoi qu’il en soit il faut toujours rassurer, toujours calmer les angoisses. D’ailleurs cela passe aussi par le visuel. Quand on voit notre patient, on doit être capable de savoir s’il souffre ou pas. C’est alors que l’on met en place ce que tous les infirmiers connaissent : les échelles de douleur verbales et non verbales.
La prise en charge et l’accompagnement des patients en soins palliatifs, c’est quelque chose qui m’apporte et auquel je tiens. Finalement j’essaye de faire au mieux pour mes patients. Ils me le rendent au centuple par un sourire, un remerciement, le sourire des enfants quand ils voient leur maman détendue. Mais aussi par la famille qui est à l’écoute et qui est là pour nous remercier. Et au-delà de cela on se sent utile en tant qu’infirmier. Je pense que c’est ça la plus belle récompense sur cet accompagnement là.
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